Comme des voleurs n'a pas eu beaucoup de succès dans les salles de Suisse romande, et c'est dommage, car c'est un film magnifique. Dans 24 Heures, où il tient une rubrique sporadique, Lionel Baier s'interroge sur les raisons de son insuccès. Il rapporte une conversation qu'il a eue avec "un producteur vaudois assez connu", lequel a avancé l'hypothèse suivante: "Jean-Stéphane Bron, par exemple. Tout le monde a envie d'aller boire un verre avec lui, alors les gens sont allés voir Mon frère se marie avec plaisir. Alors que toi, personne n'ose même te demander d'aller boire un verre. Mortifié, qu'il est le Lionel... "Je ne suis pas sympa, c'est objectif", rumine-t-il. C'est injuste". D'autant plus qu'il est pote avec Jean-Stéphane, ils habitent le même immeuble.
L'hypothèse du producteur vaudois assez connu ne résiste pas à un brin d'analyse. Depuis quand les créateurs doivent-ils être sympathiques pour avoir du succès? Il est sympa ce schtroumpf grognon de Luc Besson? Il y a d'autres alchimies qui déterminent le succès des œuvres que la bonne bouille d'un chanteur ou le regard clair d'un cinéaste. La promotion intensive ou le charisme des comédiens (et, en l'occurrence, Natacha Koutchoumov en déborde) ou le timbre du chanteur ou l'adéquation entre le propos et l'air du temps… Des critiques assez connu ont adoré la verve novatrice de Comme des voleurs, son rythme enlevé, son humour tant verbal que visuel.
Parmi les facteurs d'insuccès, on trouve la paresse du public ou l'incapacité à entrer en résonance avec les spectateurs ou l'originalité excessive… Un rédacteur en chef assez connu a ainsi été horripilé par Comme des voleurs qu'il a trouvé trop verbeux, trop prétentieux.
Pour avoir bu des verres tant avec Jean-Stéphane qu'avec Lionel, je puis garantir que les deux sont extrêmement sympathiques. Le premier est peut-être plus terrien, le second plus citadin; le premier a peut-être une plus grande qualité d'écoute, le second est plus volubile. Les deux partagent une même passion du cinéma et un semblable amour des gens. Lionel ne boit pas d'alcool, c'est peut-être un peu suspect dans une région viticole.
Une chose est sûre: Lionel Baier ne manque pas d'humour. Il sait ne pas se prendre au sérieux puisqu'il ironise sur lui même dans 24 Heures. "Pas sympa, je suis. Et un peu chiant aussi", conclut-il son carnet de bord. Or quelqu'un capable de cette distance est forcément sympathique. Donc, même sous ce rapport, Comme des voleurs mérite d'être vu, CQFD
Mercredi soir,Jean-Stéphane et Lionel seront aux Journées de Soleure compétition en compétition fraternelle pour le prix de la Meilleure fiction suisse. Qu'ils gagnent ou non, on ira boire des verres avec eux.
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