Locarno est le premier festival généraliste à consacrer une rétrospective à l’animation japonaise, cet art majeur qui a balayé l’Occident depuis une trentaine d’années, en dépit des résistances culturelles. Frédéric Maire, initiateur de Manga Impact, redit son credo: «Il faut affirmer combien le cinéma d’animation japonais est essentiel aujourd’hui pour la culture mondiale. Il a apporté des nouveautés esthétiques, mais aussi des contenus fondamentaux. Je pense notamment à l’écologie – un thème récurrent dans les films du festival. On se rend compte combien les dessins animés japonais étaient en avance».
Le directeur artistique est très honoré de recevoir Isao Takahata, «qui n’est pas seulement le co-fondateur, avec Hayao Miyazaki, de Ghibli, le plus important studio d’animation du monde, mais avant tout l’un des plus grands cinéastes, à l’égal de tous ceux auxquels Locarno a rendu hommage». Malgré sa modestie, Isao Takahata ne peut retenir un timide sourire sous les éloges.
L’auteur de séries télévisées (Heidi, Marco…) et de longs métrages merveilleux (Le Tombeau des Lucioles, Mes voisins les Yamada) présente ce soir sur la Piazza Grande un chef-d’œuvre de 1994, Pom Poko.
En japonais, «Pom Poko», c’est l’onomatopée que produisent les tanukis lorsqu’ils se tapent sur leur ventre bien rond. Le tanuki, c’est le nom du blaireau local, un animal sympathique et gourmand qui traverse les contes et légendes japonaises. Ils sont aussi réputés pour avoir des testicules maousses – dont ils se servent d’ailleurs dans comme massues ou, étendant la peau du scrotum, comme parachute… La tradition japonaise ne dédaigne pas la grivoiserie amusante.
Dans Pom Poko, les tanukis sont décimés par la déforestation. Ils décident de résister par tous les moyens à l’urbanisation sauvage de leur coin de paradis. Leur arme, c’est la métamorphose car, selon la tradition, le tanuki peut prendre toutes les formes qu’il veut.
«Dans la philosophie japonaise, les animaux occupent la même place que les êtres humains, explique Isao Takahata. Nous ne les mettons pas en dessous de nous. Nous occupons le même rang. Nous sommes une même espèce. Dans la tradition, il arrive très souvent que les tanukis rencontrent les hommes. Malheureusement, avec la modernisation, nous avons perdu ce contact. Je volais que ces blaireaux ressurgir de la mythologie des choses que nous avons tendance à oublier».
Les tanukis de Takahata se présentent sous trois niveaux graphiques. D’abord, des animaux réalistes qui vont à quatre pattes, grattent la terre et croquent des écrevisses. Et puis, des créatures comiquement anthropomorphisées, à la Walt Disney, qui adoptent la station verticale. Enfin, plus rarement, dans les moments de liesse, ils deviennent linéaires, bidimensionnels comme des dessins d’enfant. «Au Japon, la tendance est de voir les tanukis comme des créatures comiques. Il était temps de rappeler qu’initialement ce sont des animaux sauvages. Une bête qui meurt écrasée sur la route. Mais elle est coriace, elle ne se laisse pas abattre, elle ne figure pas sur la liste des espèces en voie de disparition».
Dans Pom Poko, comme dans Le Tombeau des Lucioles, les fantômes tiennent une place importante. «Au Japon, on ne meurt pas pour aller en Enfer ou au Paradis. On n’a pas de Jugement dernier, On demeure 47 jours sur terre avant de partir vers l’au-delà, de traverser une rivière, comme dans la mythologie grecque. En attendant, on reste présent dans ce monde. Les morts nous observent, quelle que soit la forme qu’ils prennent. C’est comme un grand podium avec plein de spectateurs qui nous regardent… La tradition de vénérer les ancêtres permet de rester à sa place, sans avoir de religion très concrète…Je pourrais parler des fantômes pendant des heures, mais nous n’avons pas le temps», regrette Takahata.
Quand on lui demande d’expliquer le succès des mangas, il se défile. Rappelle que le premier film à avoir été mondialement reconnu est le Voyage de Chihiro (2002), primé à Berlin. Il a été très heureux que son ami Miyazaki soit honoré, mais il n’a pas d’avis personnel. Au Brésilien qui insiste, émerveillé par le Manga Impact sur le pays de la bossa nova, concède une explication: «C’est parce que nous faisons partie d’un seul genre humain». A la fin de la conférence, Isao Takahata demande la permission de prendre la parole. On la lui accorde bien volontiers. Il se dit très heureux des honneurs que Locarno lui accorde. Il se réjouit que le festival montre les incunables de l’animation japonaise, des films d’avant-guerre dont le plus ancien date de 1917. Il rappelle que les origines du manga sont bien antérieures encore, puisqu’elles remontent au 12e siècle. Il a d’ailleurs écrit un livre sur le sujet, L’animation au 12e siècle. Le maître sort un livre, Tourne les pages pour présenter les planches. S’émerveille de voir le lièvre et le singe qui dansent, huit siècles après que le pinceau de l’artiste a saisi leur gestuelle. Le maître a un sourire d’enfant émerveillé.
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Rédigé par : coach outlet | 17 novembre 2010 à 04:09