L'autre soir sur France 5, au terme de trois minutes promotionnelles consacrées à Green Zone, où l'engagement américain en Irak revu par Paul Greengrass, la speakerine a péroré: "Un film plus efficace qu'un documentaire grâce à un Matt Damon totalement investi dans une action explosive". Directeur de Visions du Réel, Jean Perret appréciera le contresens glorieux: c'est à l'aune des explosions d'hélicoptère que l'on mesure la densité du réel!
La guerre, pour les spectateurs qui ont assisté hier à la soirée d'avant première de Visions du Réel, à Nyon, est très différente. Ce n'est pas les grimaces de Matt Damon, mâchoire carrée et sourcil froncé de surhomme yankee, mais plutôt des os de baleine posés sur l'herbe. Sans doute touché par un missile israélien, car tout ce qui bouge constitue une menace, un cétacé s'est échoué sur la plage de Gaza. Des gosses sont allés récupérer la viande pour les fauves du zoo; trop tard, elle était déjà pourrie. Alors ils ramènent les os. Sur la pelouse râpée du petit zoo, ils disposent vertèbres et côtes pour reconstituer la forme du bel animal qui nageait. Ce sont des jeux d'enfants au milieu des décombres, comme des fleurs qui repoussent après l'incendie.
Flanqué de Béatrice Guelpa, Nicolas Wadimoff (avec Jean Perret sur la photo) a arpenté la bande de Gaza quelques mois après l’opération Plomb durci lancée par Israël en décembre 2008 - bilan 1400 Palestiniens tués, dont 300 enfants. Aisheen (Still Alive in Gaza) témoigne des ravages de l’offensive, maisons écroulées, traumatismes physiques et psychologiques. Un enfant a les jambes brûlées. D'autres sursautent lorsqu'une baudruche éclate – mais finissent par rire devant les facéties des clowns. L'existence est dure, les bins de première nécessité font cruellement défaut, mais la vie reprend ses droits. Le rap retentit. La poésie s'invite dans les décombres sur les traces de ce petit garçon qui découvre au fond d'un parc d'attractions dévasté qu'il n'y a plus qu'un fantôme de train fantôme. A la fin du film, un carrousel recommence à tourner…
Les images de Green Zone nous assomment. Celles d' Aisheen (Still Alive in Gaza) nous hantent et raffermissent un sentiment de fraternité universelle. CQFD.
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